L\'Inde, la vie, le travail, l\'aventure...

Ils donneraient tout pour l’eau, donnons l’eau pour tous !!

Dans certaines région de l’Inde dont celle où je travail en ce moment, l’Andhra Pradesh, l’eau est un réel problème. En plus de l’assèchement de la nappe phréatique, son climat tropical sec mène la vie dure aux fermiers. Outre au moment de la mousson (ou Karif), qui est théoriquement de mi-juin à mi-septembre, il y a très peu de pluie. Je dis « théoriquement » car le changement climatique bouleverse complètement les saisons obligeant les fermiers à s’adapter en permanence, tant bien que mal, à un climat imprévisible. Je profite d’ailleurs de cette note pour passer un message à tous ceux qui rigolent quand je leur parle de respect de l’environnement, de limiter la pollution, de faire attention à la consommation des ressources naturelles…Certes vous ne voyez pas les répercutions de vos actes mais croyez moi, ici, les paysans le voient et ne peuvent rien faire contre…vous oui. Je suis d’accord vous n’êtes pas les seuls et il y a bien pire que vous, mais il faut bien commencer par quelqu’un, alors pourquoi pas vous ? Vous me direz qu’agir à votre échelle ne servirai a rien, mais si chacun agissait a sa petite échelle ça en ferait un sacrée grande !! Comme le dit un proverbe africain, « Des millions de fourmi, ensemble, peuvent soulever un éléphant. ». (Vous trouverez d’ailleurs en fin de texte une petite histoire. C’est pour vous, c’est cadeau !! :D)

 

Mais revenons à nos moutons...ou plutôt à nos systèmes d’irrigation car c’est de cela que je vais vous parler aujourd’hui. Comme je le disais, le manque d’eau et surtout de pluie est un réel problème pour les fermiers en Andhra Pradesh (AP pour les intimes ;P) et particulièrement pour les fermiers pauvres qui n’ont pas les moyens d’installer un puits d’irrigation (système de pompe électrique permettant de puiser l’eau de la nappe phréatique). Les petits paysans ont donc comme seule solution d’acheter de l’eau a un voisin possédant un puits d’irrigation et la faire parvenir jusqu'à leur parcelle par un tuyau. Mais cela entraîne de nombreux problèmes. Tout d’abord l’irrigation est décalée, le terrain du voisin étant prioritaire et l’eau leur étant accessible selon disponibilité et surtout l’humeur du propriétaire du puits. De plus, le temps nécessaire et les complications dues à la mise en place du système rendent ce processus non viable pour les petits terrains. Pour finir, il est très fréquent que les propriétaires des puits d’irrigation exploitent les fermiers pauvres en leur demandant de travailler gratuitement pour eux étant donné la « faveur » qu’ils leur font en leur vendant de l’eau (bien qu’ils appliquent les prix du marché !!).

 

L’association WASSAN à donc monté un projet afin de remédier à ces difficultés en partageant l’eau entre voisins. Pour cela ils se sont intéressés à 18 fermiers voisins, possédant chacun 1.5 à 3 acres (pour info, 1 acre = 0.4 hectare) donnant une surface totale de 45 acres, soit 8 200 m². Parmi ceux-ci, seuls 7 possédaient des puits d’irrigation. Comment alors, utiliser l’eau de ces 7 puits pour les 18 fermiers en rendant tout le monde heureux ! La réflexion est partie des 7 fermiers possédant l’eau, comment les inciter à partager ? Un puits permet d’irriguer un champ par la technique dite d’inondation consistant à faire couler l’eau à flot jusqu'à ce que celle-ci atteigne toutes les parties du champ. Les terrains étant rarement plats certaines parties sont noyées sous l’eau et certaines autres très peu irriguées, celles-ci donnent donc de mauvaises récoltes. De plus, ce système demande beaucoup de temps, 4 a 5 jours d’irrigation selon la superficie et beaucoup d’eau. Ils ont donc décidé d’installer des pistolets arroseurs (vous savez ceux qu’on voit sur toutes les pelouses dans les séries américaines, et il y a toujours un moment ou ils se déclenchent alors que quelqu’un passe !!). Cet outil permet aux fermiers possédant un puits d’arroser leurs champs en 7 à 21h selon la taille au lieu de 4 à 5 jours, élimine le problème de répartition d’eau augmentant la récolte de 5 à 6 quintal par acre a 12 à 15 quintal) et surtout évite le gâchis d’eau…Cette eau économisée peut donc servir à alimenter le champ des voisins !! En partant de ce principe, WASSAN a donc lancé en 2008 le programme « National Agriculture Innovation Project ». Le but premier est de regrouper les fermiers pour agir ensemble. Ils ont donc été organisés en 5 groupes à qui l’association a fournit 8 pistolets arroseurs, 25 tuyaux et une sortie d’eau pour chaque champ. Les paysans tous ensemble ont creusé les tranchées et installé le tout. Pour participer à ce projet il faut bien sur suivre des règles. Les paysans doivent s’engager à ne pas construire de puits d’irrigation dans les 10 années à venir (au risque d’assécher les autres). De plus, chaque fermier verse 200 à 1 000 roupies par an au groupe selon qu’il possède un puits ou non. Cet argent est collecté sur un compte commun et sert à payer les charges d’électricité ainsi que les diverses réparations (pompes, tuyaux…), sur consultation de l’ensemble du groupe bien sûr !! Pour finir, les paysans reçoivent des formations afin de comprendre, tout d’abord, la géologie du sol (certains paysans investissent dans la construction d’un puits sans savoir qu’il n’y a pas d’eau en dessous). Ils apprennent ensuite à mesurer le niveau de l’eau de la nappe ainsi que leur consommation. A partir de cela, tous les ans au mois d’octobre le comité du groupe (composé de 5 personnes reconnues comme leader et d’un coordinateur de l’asso) se réunit pour établir le « crop water budget ». Ils voient ensemble quelles sont les cultures prévues pour la saison sèche (ou Rabi), quel est leur besoin en eau et quelle est la quantité d’eau disponible. Selon ces résultats, ils adapteront leur consommation ou le choix de leur culture.

 

Voila maintenant 3 ans que ce projet a été mis en place et c’est un réel succès. Les paysans obtiennent de meilleures récoltes et l’accès à l’eau leur permet une sécurité alimentaire et pécuniaire. C’est affolant de voir à quel point des choses qui sont si simples d’accès pour nous (si on veut arroser son jardin on file chez Jardiland ou on investit en Bretagne, arrosage assuré toute l’année !! :D) sont un véritable casse tête pour eux. Voila une bonne raison de réfléchir à 2 fois avant de prendre une douche de 45mn ou un bain toutes les semaines par exemple !!

 

Comme promis, je finis sur ma petite histoire. C’est une légende amérindienne racontée par Pierre Rhabi (pionnier de l’agriculture Bio) que ma mère m’a raconté et que je trouve très représentative de la situation actuelle. C’est l’histoire du colibri : Un jour, un grand incendie se déclare dans la forêt. Tous les animaux, terrifiés, observaient impuissants ce désastre. Seul le petit colibri, aussi frêle que déterminé, s’active en allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec, qu’il jette sur le feu, recommençant son manège sans relâche. Au bout d’un moment, le tatou agacé par cette activité à ses yeux inutile, lui dit : - « Colibri ! Tu n’es pas un peu fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » - « Je le sais, répond le colibri, mais moi, au moins, je fais ma part. »

C’est notre responsabilité à chacun : si nous le décidons, nous ne sommes pas impuissants.

 

Sur ces belles idées, je vous souhaite une très bonne journée.



02/06/2012
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